13 oct. 2015

Prep NaNo 2015 #3 - Vindicative

Le petit jeu est simple : piocher chaque jour un mot, rédiger une centaine de mots s'en inspirant en rapport avec un de mes personnages. Propositions appréciées, participants accueillis à bras ouverts ! ♥


C’était bien la première fois que Damon la voyait ainsi, sa moue déterminée se parant d’une étincelle belliqueuse. Bien campée sur ses talons, Eileen l’affrontait du regard sans broncher. La scène devait avoir quelque chose de très comique, en soi : lui, géant réfractaire surentraîné, et elle, frêle brindille adolescente et bourgeoise.

Il se pencha inconsciemment en avant, un brin menaçant.

Non, il n’allait pas céder à son caprice.

Il aurait s’agit de n’importe qui d’autre, Damon aurait déjà changé de technique. Dédain, agressivité, peu importait la façon : il serait passé à l’offensive. Mais comment réagir face à sa protégée qui se mettait à faire des siennes ?

Påv savait combien elle l’exaspérait pourtant.
Il soupira, et les prémices du triomphe chatouillèrent le coin des lèvres de ‘Leen.

9 oct. 2015

Prep NaNo 2015 #2 - Frisson

Le petit jeu est simple : piocher chaque jour un mot, rédiger une centaine de mots s'en inspirant en rapport avec un de mes personnages. Propositions appréciées, participants accueillis à bras ouverts !


Elle a l’habitude du frisson qui lui parcourt l’échine, électrique et grisant. Il a quelque chose de sensuel dans la façon dont le danger lui murmure sa tendresse.

Le vent la gifle avec violence alors qu’elle se hisse en équilibre sur un promontoire. La bourrasque siffle avec hargne le long des câbles à remontée mécanique, le souffle s’engouffre rageusement dans les profondeurs de la ville, charriant sur son passage les vapeurs de l’industrie.

Volta est un prédateur et Yodrin son terrain de jeu.
Quand ses proies temblent, elle frémit d’un plaisir bestial. Elle n’est qu’instinct et électricité statique.

Pourtant, alors qu’elle suivait sa cible à pas feutrés, le parfum asphyxiant de la ville s’effaça pour laisser place à une nouvelle senteur.

Elle fut prise d’un frisson qui n’avait rien à voir avec l’excitation de la traque.

7 oct. 2015

Prep NaNo 2015 #1 - Insidpide

Le petit jeu est simple : piocher chaque jour un mot, rédiger une centaine de mots s'en inspirant en rapport avec un de mes personnages. Propositions appréciées, participants accueillis à bras ouverts !  ♥


Il arpentait les couloirs chichement éclairés d’un pas traînant.

Les murs avaient-ils toujours été aussi peu décorés ? Les visages de ses confrères aussi austères ? Il lui semblait se souvenir d’un temps où il était fier d’appartenir à la Garde. Un temps où il pouvait entendre les rires des disciples dans les couloirs.

Un temps révolu, de toute évidence.

Stanislas s’ébroua et accéléra la cadence pour quitter au plus vite cette prison. Mais une fois dehors, quand il contempla alors l’immensité de la Cité Anthracite, tout lui parut bien fade. Ce qui pimentait son quotidien avait disparu, du sourire d’Eileen à l'empressement volubile de Xon, en passant par le sentiment d'appartenance conféré par la Garde.

Pour laisser place à l'insipide sentiment de vide.

5 oct. 2015

Glowing, Fading.

La lueur est toute petite d’abord, faible et effacée, elle brille par sa discrétion.
Parmi ses consoeurs, elle laisse un filet opaque l’étouffer : elle suinte la solitude dans la foule.

Puis, un beau jour, elle est gagne en intensité, tournoie, virevolte. D’un simple espoir naît l’allégresse, joie dévorante, fulgurante, qui enfle encore. Une présence, et elle iradie tout ce qui l’entoure. Un son, une voix, et elle se laisse couler en une cascade scintillante. Un murmure, un aveu, et voilà qu’elle châtoie doucement.

Par moments, elle s’ébroue et cajôle, agace d’un rayon trop vif. Malicieuse et maladroite, elle poursuit la présence, se complaît dans la joie simple qu’elle en retire.

D’autres fois, elle vacille, mais elle suit toujours le même tempo, docile. Enfin, elle trouve son rythme, elle suit la présence avec enthousiasme. Puis stagne alors, perd un soupçon de son éclat. 

Elle hésite, frémit. 
Rassemble tous ses petits photons et ose, enfin.
Elle s’élance.

Ne rencontre que le vide.

La présence s’estompe.
La lueur faiblit et erre, elle cherche, hume, déploie ses tentacules luminescents pour tenter d’aggriper ce qu’elle a égaré. Elle n’en effleure que des ombres, des souvenirs.

Peu à peu s’installent les ténèbres silencieuses.

27 sept. 2015

À la découverte de la sculpture

Je suis allée faire un tour au 1er symposium international de sculpteurs en Île-de-France, en parfaite petite profane.

C’était absolument fascinant. Je n’avais jamais envisagé la création artistique de la sorte ; ils façonnent la pierre, l’écoutent, sans savoir quel sera le résultat final, leur travail évoluant au fur et à mesure de ce qu’ils découvrent…

Voir les sept sculpteurs à l’œuvre (Armen Agop, Patrice Belin, Xavier Gonzalez, Ton Kalle, Philippe Ongena, Susanne Specht et François Weil) et discuter avec eux a été particulièrement instructif. Ils abordent tous leur art de façon différente, travaillent tous de manière unique. Pour couronner le tout, ils sont très accessibles et adorables.

Je n’ai pas les mots pour décrire ce que tout ce que cette rencontre m’évoque ; j'avais initialement prévu d'écrire un long article, de m'attarder sur chaque aspect, avant de réaliser qu'il faut voir les artistes à l'oeuvre. Une chose est certaine néanmoins, ils m’ont redonné le goût d’écrire et de découvrir.

J’ai vraiment hâte d’être au spectacle de clôture le 3 octobre.

Vous pouvez en apprendre plus sur ce symposium à cette adresse et trouver plein de photos ici !

8 sept. 2015

Quote your Mood #1

« From the crease of your mouth to the picket fences
All the space, stretching out, blurring my defenses
Dignity, diligence, I could not avenge
Sink my teeth in the sheets and taste the emptiness. »


Pirouette - Made in Heights

23 août 2015

Introspection #1

Ces derniers temps, on m’a mentionné plusieurs fois la personne que je dois et que je veux être/devenir. Et ça me laisse un peu perplexe.

Certes, il fut un temps où je me posais véritablement la question ; dans une période de mal être lancinant, je passais mon temps à ressasser ce qui me déplaisait chez moi, ce qui m’empêchait d’évoluer, pourquoi j’étais si mal entourée, ce qui clochait chez moi, etc. Finalement, une brève introspection me fait réaliser que, cette personne que je détestais autrefois n’est plus là. Attention, je ne m’adore pas pour autant, je suis toujours consciente de mes défauts et je m’exaspère assez souvent. Mais il y a plus cette boule dans ma poitrine, ce fardeau constant et ce mépris abject qui m’étouffaient.

Ce constat m’a surprise et réjouie. Puis ça a entraîné tout un tas de petites questions. Est-ce un état durable ? Ou suis-je juste dans une période plutôt positive ? Vais-je développer de nouveaux traits désagréables ?
(On note assez vite mon pessimisme, j’en conviens.)

J’ai décidé d’effacer toutes ces interrogations superflues de ma petite caboche pour me contenter de savourer ce nouvel état d’esprit, et puis en déceler les origines. Après tout, si je vais « mieux », autant savoir pourquoi, histoire de poursuivre l’expérience ! Certaines incertitudes se sont effectivement effacées : je me suis fait des amis vraiment chouettes dernièrement, j’ai fait l’effort de quitter ma zone de confort, j’ai renoué des liens avec mon entourage, j’ai découvert que, quand on voulait du boulot on en avait, et j’ai des projets (artistiques, professionnels et personnels) plein la tête – et des projets qui progressent, s’entend.

Résultat, j’ai quitté ma petite inertie, mon apathie navrante, et avec un peu de bonne volonté, en se bougeant le cul, tout devient merveilleux. Le bonheur, ça se travaille, donc.

Non contente d’être parvenue à cette jolie conclusion, il a fallu que je m’interroge sur l’autre versant des propos qu’on m’a tenus. Sinon, c’est trop facile, y a pas de défi, évidemment !

Qui dois-je devenir ? Est-ce que j’ai envie de devenir quelqu’un d’autre ? Quelqu’un de mieux ? Alors que je commence tout juste à me sentir bien ? Pourquoi tant d’efforts ? Pour plaire ?

Je réalise que je n’arrive pas à me projeter dans l’avenir. Avant, la perspective d’un « moi » nouveau avait des contours – flous, mais des contours quand même – qui constituaient déjà un moule pour une idée définie. On a un peu manqué la cible dans le processus, faut pas se le cacher, mais le résultat reste plutôt satisfaisant.

Alors soit, je suis contente pour le moment. J’ai peut-être envie de me poser un peu, mais à part ça, aucun changement fondamental à l’horizon. Est-ce un souci, de ne plus vouloir évoluer ? Je me trouve plutôt bien où je suis, mais quand vais-je me lasser ? Dois-je attendre un facteur déclencheur ?

En tout cas, aux personnes qui sous-entendent que je peux changer, j’ai envie de répondre « non merci ». Je suis bien comme je suis. J’aime mes petits défauts, j’aime ne rien aimer et râler, j’aime faire comme je l’entends. Il y a des façons plus saines de vivre, plus respectueuses aussi, plus humaines. Eh bien, je préfère malgré tout me laisser porter, faire l’autruche pour ne pas voir la laideur du monde et sourire bêtement ou me prélasser quand un rayon de bonheur fait son apparition. C'est une solution facile. C'est une solution qui me convient.

La prochaine « moi » peut attendre encore un peu.

29 juil. 2015

Les Salauds Gentilshommes - Scott Lynch

Il y a des livres qui vous entraînent parce que les événements s’enchaînent comme pas possible. D’autres, ce sont les mots, le style, qui vous bercent et vous font dériver le long de l’intrigue. Parfois, il y en a même qui parviennent à allier les deux facteurs précédents.
Et enfin, il y a ceux qui vous ont par la ruse.

Je viens de commencer les Salauds Gentilshommes de Scott Lynch et je ne décroche plus. Et quand je réalise que la menace pesant sur le protagoniste n’est mentionnée qu’après la page 200, je me dis que, franchement, l’auteur m’a bien eue. Alors, j’ai évidemment commencé à décortiquer son petit stratagème pour nous tenir prisonniers…

Une narration en deux temps. L’ordre chronologique de l’histoire est une vaste plaisanterie pour Scott Lynch. De façon très habile, on alterne entre les passages où Locke est tout petit, et ceux où Locke est adulte. Et puis même lorsque l’on est dans un axe temporel, il nous fait des petites blagues… Résultat, on veut des réponses sur les deux intrigues qui s’entremêlent, on fait des liens, on dévore les pages avec avidité.
Des personnages attachants. On développe tous une sympathie pour les voleurs, les espions et les assassins, avouons-le. Benvenuto dans Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski, Ellana chez Pierre Bottero, Fitz (le crétin) chez Robin Hobb, Kylar chez Brent Weeks, et j’en passe… Alors, en plus, quand les voleurs en question sont des gentilshommes, comment résister ? La dynamique entre les personnages est absolument exquise, l’unité du petit groupe est très attachante. Tout ce qu’il fallait pour conquérir mon petit cœur.
Un univers merveilleusement bien développé. Ouh, des requins exceptionnels, de l’alchimie, le Verre d’Antan ! Toute une petite panoplie de détails qui fait qu’on plonge vraiment dans une autre époque. Scott Lynch livre les détails de son monde au fur et à mesure, de la qualité des alcools au style vestimentaire, aux matériaux curieux (bois-sorcier, Verre d’Antan) au système politique. On n’a peut-être pas envie de déménager à Camorr demain, mais il y fait bon d’y laisser traîner son imagination.

Quatrième de couverture :

Dans la cité insulaire de Camorr, la vie d'un orphelin ne vaut pas cher. Doté d'un esprit vif et d'un don naturel pour la rapine, Locke Lamora a néanmoins réussi à éviter jusqu'ici la mort et l'esclavage, un luxe qu'il doit en partie au prêtre aveugle Chains. Ce dernier - qui n'est ni prêtre, ni aveugle - forme à l'art du vol sous toutes ses formes une troupe de gamins des rues triés sur le volet, connus sous le nom de Salauds Gentilshommes. Sous sa tutelle, Locke va bientôt devenir la Ronce de Camorr, douloureuse épine dans le pied de la maréchaussée et hantise des notables de la ville...




Verdict ?

C’est très (très !) prenant ; je vous invite vivement à plonger dans l’univers de Salauds Gentilshommes 

16 juil. 2015

La Tour - Cécile Duquenne

D’ordinaire, je suis plutôt une adepte des descriptions et de lyrisme qui reflètent l’atmosphère. J’aime les plumes sophistiquées et inventives, et je suis rarement attirée par un style trop visuel – du moins, pas en français.

Pourtant, j’ai su trouvé mon bonheur auprès de Cécile Duquenne, surtout avec cette merveilleuse série qu’est Les Foulards Rouges (au point de me convertir au numérique, c’est dire !). J’aime beaucoup le style efficace et entraînant de Cécile : rythme effréné, trouvailles linguistiques, personnages très attachants…. Alors bon, quand j’ai entendu parlé de La Tour, sa petite merveille auto-éditée, écrite en trois jours qui plus est… J’ai sauté sur l’occasion !

Résumé :
« Jessica, 16 ans, se réveille dans un marécage artificiel aux dangers bien réels. Très vite, elle comprend qu'elle se trouve au sous-sol d'une étrange tour sans fenêtres, et que le seul moyen d'en sortir est de monter jusqu'au toit. Accompagnée de quelques autres jeunes, elle se lance dans l'ascension de sa vie, explorant chaque niveau, affrontant les dangers embusqués…
Et les révélations.
Car Jessica n'a plus aucun souvenir d’avant son arrivée ici. Ils lui reviennent par bribes, étage après étage, et plus elle en apprend, moins elle désire sortir – surtout que son pire ennemi se trouve à l’intérieur avec elle. Bientôt, l'envie de se venger prend le pas sur l'envie de s’échapper…
Et si en exhumant les secrets de son passé, Jessica levait aussi le voile sur la véritable fonction de La Tour ?

Grande fan du Labyrinthe de James Dashner et de Hunger Games de Suzanne Collins, Cécile Duquenne signe cette année son premier roman Young Adult, à mi-chemin entre le thriller psychologique et le survival.
D’abord publiée aux éditions Voy’el avec Les Nécrophiles Anonymes, puis aux éditions Bragelonne avec sa série de space-opera steampunk Les Foulards Rouges, elle est connue pour ses personnages féminins forts et son écriture quasi télévisuelle. En ce sens, La Tour s’inscrit dans la lignée de ses précédents opus, tout en explorant un univers unique et vertical.

Bienvenue dans la Tour.
Atteindrez-vous un jour le sommet ?

Dès 16 ans. »

« Encore un bouquin sur le thème de la survie avec des adolescents ? Entre Hunger Games et Le Labyrinthe, on a le droit qu’à ça en ce moment ! »
C’est ce que vous vous dites au premier abord.

Puis vous plongez dans l’univers de La Tour de Cécile Duquenne.

Et ça n’a rien à voir. Si les premières pages ont un goût de déjà vu (ouaip, je vous spoile l’apparition des crocos que les lecteurs des Foulards Rouges auront probablement croisés), l’ascension n’a rien en commun avec ce que nous sert et dessert la littérature jeunesse et les dystopies ces temps-ci.

Vous plongez immédiatement dans la fange d’un univers angoissant, glacial et sombre. La course débute d’emblée, à en perdre haleine. Les révélations se succèdent, suffocantes. La tension monte. La température aussi. C’est ça, La Tour, ça se lit d’une traite et on se laisse embarquer dans ce thriller psychologique prenant.

On pourrait néanmoins lui reprocher de petits détails, à ce récit, en particulier sa longueur. Mais finalement, ça fait aussi sa qualité, car plus de détails sur l’univers et sur les différents personnages auraient ôté le caractère essoufflant de la lecture. Et puis, ça laisse tout plein de place à votre imagination.

Bref. Z’êtes prêts pour une sordide grimpette ?
Alors envoyez balader toute vos niaiseries : venez vous empêtrer dans les mystères oppressants de La Tour… Et préparez-vous à une chute vertigineuse.


16 juin 2015

Life is too short; don't waste it.

Life is so fucking short and you people should stop complaining, stop being asses. You should try to be a little bit more happy. Seriously, a smile won’t kill you, arguing constantly won’t lead you anywhere and above all, most of your problems seem real because you allow them to have way too much impact on your lives.
Memento Mori.


Je suis la première à me plaindre tout le temps, la première à angoisser, la première à mariner dans mon stress, à détester les gens ou leurs comportements. Je suis souvent cynique, désintéressée, exaspérée et hypocrite. Récemment, j’ai pris un petit peu confiance en moi et j’ai appris à relativiser, mais je suis loin, encore, d’être totalement sereine. Pourtant, le bonheur, ça se travaille.


Aujourd’hui, j’ai appris le décès de la camarade de ma frangine. Elles portaient toutes les deux le même prénom, étaient toutes les deux aussi talentueuses dans leurs études de cuisine. Un accident de la route en deux roues a été fatal pour cette adorable blondinette si amusante qui avait tant de belles années devant elle, un brillant avenir.


Je la connaissais à peine, je l’ai aperçue une ou deux fois, mais ma sœur parlait tout le temps d’elle. La nouvelle m’a abattue. Je suis d’ordinaire plutôt insensible à ce genre de choses, elles ne m’affectent que peu, et parfois, je me dis que je suis un peu un monstre de me comporter de la sorte, que ce n’est pas normal d’avoir un cœur de pierre. Les proches de proches qui décèdent, ça me provoquait à peine un petit pincement, alors que j’ai pleuré des jours durant à la mort de mon chien. Mais en fait, je réalise que ce n’est pas la première fois qu’une telle nouvelle m’abat ; ce genre d’accidents m’affectent. Car la longue maladie ou la vieillesse, ça va dans l’ordre des choses. Cela reste triste, mais on s’y prépare. Mais là, c’est une toute autre affaire.


Alors, j’apporte tout mon maigre soutien à sa famille, à ses camarades de classe, à son père qui lui, s’en est sorti, et va vivre à son réveil la pire épreuve de sa vie. Je leur envoie mon soutien, un bien pauvre réconfort qui ne saura apaiser leurs cœurs, si ce n’est d’un vague sentiment de reconnaissance. Le sentiment de perte a cette affreuse manie de vous plonger dans les tréfonds obscurs de l’âme.


Quant à vous autre, je vous le répète. Ne vous plaignez pas. Réjouissez-vous. 80% de vos problèmes en sont parce que vous leur donnez trop d’emprise sur votre vie. Les malheurs sont là que pour vous rappeler le goût du bonheur. Ne soyez pas défaitistes. Battez-vous pour rendre votre quotidien et celui des autres un peu meilleur.
Souriez, c’est gratuit.

12 juin 2015

Justine Niogret - Chien du heaume

Je me suis fait une petite cure de lecture avant de manquer de temps, et j’ai notamment dans ma pile de livres en cours, Mordre de le Bouclier, de Justine Niogret. (Vous noterez d’ailleurs que la postface très enrichissante a été écrite par Jean-Philippe Jaworski).

Déjà, Chien du heaume m’avait prise aux tripes. Parce que Justine Niogret décrit tout avec une violence abrasive et met ses personnages à nu, dans un style travaillé pour refléter la langue du Moyen-Âge tout en la rendant accessible. Elle nous dépeint de façon très documentée sans être lourde un monde cruel, brut, primitif. On suit Chien, une guerrière en quête de son nom. En dépit de toute la distance qu’il peut y avoir entre la protagoniste et le lecteur, on y retrouve des thèmes qui nous touchent : la laideur présumée de Chien, le besoin identitaire et celui d’appartenance, l’errance. Le côté abrupt de son récit est contrebalancé par un brin de poésie, des non-dits qui donnent une douceur insoupçonnée aux personnages. Quant à la cruauté, elle est illustrée d’images qui s’impriment dans l’esprit aussi certainement que la scène du bébé dans le film Trainspotting.

Sa suite, Mordre le bouclier, me fascine davantage encore. Bien sûr, au départ, j’étais assez déçue par l’orientation que prenait le livre : Chien subit les séquelles, Bréhyr n’était pas un de mes personnages favoris, et puis, je me demandais comment la vie au castel allait se jouer, si les sous-entendus du tome précédent mèneraient quelque part. Mais bon. Ce n’était que le début, et le chemin qu’emprunte Chien n’a rien de décevant par la suite.

Finalement, il y a toujours cette violence omniprésente, ces mots crus, ce style envoûtant. Mais la dimension psychologique est d’autant plus travaillée que la folie est omniprésente – répugnante et alarmante, elle inquiète, angoisse, nous tient en haleine. Et puis, on découvre tout un tas de nouvelles facettes de Chien, qui la rendent plus attachante encore. Sous l’écorce bien épaisse de la guerrière, il y a une sensibilité qu’on ne fait que soupçonner avant.

En bref, ce sont là deux livres à lire absolument. Aussi aigres que subtils, très riches en images sanglantes ou merveilleuses, avec une pointe de fantastique qui ne fait qu’intriguer encore plus, Chien du heaume et Mordre le bouclier sont des perles.

 

28 mai 2015

Une petite année de plus...

Illuminé par deux soirées, mon anniversaire se révèle être une agréable surprise cette année. Il faut dire, aussi, que c’était la première fois depuis longtemps que j’avais vraiment vraiment vraiment envie de le fêter.

À la maison, encore, ça sentait l’habitude, une de ces soirées agréables où on est bien entourés. La famille et les amis, ces gens qui m’ont vue grandir, m’ont particulièrement gâtée cette année, de petites attentions avec un menu extra, mais aussi de jolis cadeaux (qui se mangent, ou pas). Somme toute, un moment exquis. Je pense qu’avec les années, on apprécie davantage de passer du temps notre entourage, et que les célébrations n’ont plus rien de cette intérêt enfantin surexcité. Cela s’approche davantage d’un bonheur simple, celui d’être bien entouré, d’être enfin à l’aise, d’avoir envie de partager une année de plus avec les gens merveilleux qui ensoleillent notre quotidien.

Cela vaut aussi, d’ailleurs, pour les amis qui sont venus au bar, pour une célébration toute en ivresse, avec une touche rocambolesque. Il faut dire, entre les contrôles sur la ligne de train, les erreurs d’itinéraires, la crève que j'ai refilé à tout le monde, la monnaie rendue en pièces d’un euro, le T-shirt phosphorescent de la mort, les gens qui avaient oublié, l'absence du Colonel, les invitations furtives pour contrer le mauvais sort, ceux qui étaient fauchés ou qui le sont désormais, le blindtest imprévu (et super difficile !), la guerre pour offrir les verres, les dessins de chats, l’absence du barman fétiche, les départs obstaculeux, les cadeaux (on avait dit pas de cadeaux !) imprévus et géniaux, ma propension à faire des câlins, la table squattée par un prof outré, la triste fin d’un bracelet, les secrets, le logement impromptu, et puis une mésaventure au coin de la rue, c’était une soirée plutôt riche en événements.

Et je trouve ça juste génial d’avoir partagé ce moment inoubliable avec vous tous.

On ne se connait pas tous depuis longtemps, et pourtant j’ai passé une des meilleures soirées qui soit. Je suis juste désolée de ne pas avoir pu consacrer un peu plus de temps à chacun d’entre vous, d’avoir papillonné d’un invité à l’autre sans avoir pu vous dire combien ça me faisait plaisir que vous ayez fait le déplacement ou le détour, que vous soyez venus si nombreux. J’espère de tout cœur que la soirée vous a enchanté, que vous avez passé un bon moment et qu’on se reverra prochainement pour remettre ça...


En tout cas, avec ce petit article, je vous dit merci d'être venus si nombreux !

8 mai 2015

Journal d'un écrivain en pyjama

Je n'en suis qu'à la chronique 48. Et pourtant, je peux déjà vous donner mon avis sur Journal d'un écrivain en pyjama, de Dany Laferrière. Drôle, enrichissant, rudement bien écrit, ce petit guide foisonnant de conseils, de comparaisons, d'illustrations, de références et d'anecdotes en tout genre nous embarque dans l'univers de l'écrivain, et surtout de son travail.

Bien sûr, on ne peut pas être d'accord avec tous les points. Et pourtant, chacun d'eux est plein de bon sens, donne matière à réfléchir, nous permet aussi d'aborder nos écrits de manière différente. On décortique peu à peu l'idée qu'on se fait d'un livre, on approche nos lectures avec plus de circonspection, on se rassure sur de nombreux points (notamment le caractère faussement novateur de nos idées et cette plaie qu'est le plagiat), on prend exemple.

Le plus ? La touche humoristique et humble, rien à voir avec ces gourous de l'écriture qui rappellent que trop les cours de creative writing à l'américaine. Le Journal d'un écrivain en pyjama se lit tout seul, plaisamment, à tout moment de la journée. Les chroniques, de deux-trois pages en moyenne, se laissent lire comme des parenthèses. Un ouvrage à prendre à son rythme, donc, comme une petite pause plaisante ou une longue lecture confortablement installé sous sa couette.

Personnellement, je prends mon temps. Car s'il me tarde de dévorer les quelques deux cent pages qu'il me reste, je redoute le moment où ces perles de sagesse s'épuiseront et où il faudra m'instruire ailleurs.



7 mai 2015

Ô miroir

Des facettes et des reflets, voilà ce que nous sommes.
Des personnages grotesques.

Je n’aime pas l’idée qu’on se fait de moi, l’image que je projette, la plupart du temps. Parce que ce n’est pas moi. Ce n’est pas ce que je couche sur papier. On m’imagine gentille ou glaciale, drôle ou arrogante. On ne me pense même pas timide. C’est juste n’importe quoi. Je n’arrive pas à comprendre que ces facettes soient réelles. Je ne veux pas que ça fasse partie de moi. C’est un visage d’hypocrite, un sourire tellement rodé qu’il n’est plus forcé, c’est du bonheur en éprouvette, une façade enivrée, des masques protecteurs.

Ce que je déteste le plus, c’est quand on me décrit, quand on me colle ces qualificatifs fantasques aux basques, quand on juge mon comportement, quand on donne un fond de vérité, blessant, affligeant. Surtout quand ce sont des personnes que je connais depuis longtemps ; elles me regardent plus grandir, elles se contentent de se baser sur ce qu’elles savent de moi, me rabaissent à un caractère antérieur, me rappellent que trop les erreurs passées. Et en plus, elles le communiquent à leur entourage, maculent ma page blanche, mes tentatives de changement, de nouveau départ.

J’ai horreur de voir que, on a beau travailler sur soi, c’est toujours la même chose, jamais rien ne s’efface, tout est immuable. On a beau chercher à évoluer, quelqu’un s’évertuera toujours à nous tirer en arrière. Donneurs de leçon qui vous accusent au moindre faux-pas, vous demandent de songer aux conséquences de vos actes, sans même appliquer ce conseil à leur propre comportement.

Les gens sont tous les mêmes.
Ils demandent toujours plus de considération pour leur petite personne en s’imaginant qu’ils le font eux-mêmes, alors que ce n’est pas le cas. Ils vous demandent de vous mettre à la place des autres, mais n’appliquent pas la réciproque. On vit dans un monde terriblement égocentrique, et tout le monde prétend le contraire.

Quand les gens réaliseront que, dans leur entourage, personne n’est comme eux, que certains manquent de confiance en eux, sont timides, et travaillent dur au quotidien ne serait-ce que pour sortir de chez eux, quand vous vous rendrez compte que s’acharner sur ces gens-là ne les aident pas (et qu’un « rien » peut passer pour de l’acharnement), quand ils accepteront enfin qu’ils sont blessants et insultants, à chaque fois, alors peut-être cesseront-ils eux aussi de répéter les mêmes erreurs.

Tout cela, en admettant, bien sûr, que ça leur importe.

Là est toute l’ironie de la chose. Pourquoi se donneraient-ils cette peine ? Ils s’en fichent probablement. Ce n’est pas de leur faute si d’autres sont susceptibles ! Ils sont comme ils sont, francs, spontanés et bien intégrés, alors pourquoi devraient-ils se soucier des répercussions de leurs actes ? Leur vie continue. Il y a ceux qui vous ignorent, ceux qui font comme si rien ne s’était passé, ceux qui se campent sur leurs positions étriquées, et ceux qui oublient.

Et le pire, dans cette affaire, c’est que je ne vaux guère mieux.
Je fais les mêmes choses.

18 avr. 2015

Famine


La faim me tenaillait, insupportable.

Tout mon corps tremblait et, chancelante, je trébuchai, une main crispée sur mon estomac, l’autre sur un genou, comme pour essayer de me redresser. Mes griffes se plantèrent profondément dans la chair mais la douleur ne me fit pas oublier la sensation de famine qui me lacérait les entrailles.

Affamée, je n’avais qu’une envie : crever, crever une bonne fois pour toute pour ne plus souffrir.

Je me laissai glisser le long du mur de briques, je me recroquevillai dans la pénombre de la ruelle. Les lueurs crépusculaires, chatoyantes, se reflétaient sur les parois sans parvenir à réchauffer mon âme. Un feulement poussif assécha ma gorge, et il me tardait que la touffeur de l’été disparût. Au moins, en hiver, les clochards de mon espèce se faisaient plus rares : ils agonisaient sous les ponts et moi, sous ma forme animale, je pouvais me payer les restes. Ma fourrure, si miteuse fût-elle, savait me tenir chaud et les ténèbres quasi-constantes n’incommodaient en rien ma vision féline.

Oui, me tardait l’hiver et son éternelle obscurité. Si je survivais jusque-là.

Et rien n’était moins sûr.

Car l’harassante canicule des jours sans fin desséchait puits et carcasses, calcinait les récoltes, pourrissait les vivres. Les rares pluies, acides, brûlaient la peau et achevaient le bétail.

Car la famine ne me laissait aucun répit, me plongeait dans une somnolence dolente, me vidait de mes forces. Prostrée dans le dédale purulent des quartiers mal famés, je me laissais bercer par l’haleine fétide du désespoir.

13 avr. 2015

Disloquée...

Les cadavres sous le caniard, disloqués sur le macadam,
Murmurent leurs états d'âmes en attendant les charognards.

7 avr. 2015

Dévisager vos visages


Vos bouilles me sont familières.

Là, je vous croise au détour d’une rue, d’un bar, vous êtes souvent de la même tranche d’âge. Un sourire, une expression, et soudain, une impression de déjà-vu m’assaille. Pourtant, j’ai beau me creuser la tête, rien ne vient : nous sommes d’horizons trop différents, vos noms m’échappent que trop et il faut se rendre à l’évidence : nous nous sommes jamais croisés. Le monde est peut-être petit, ma mémoire l’est moins et, en toute franchise, ma vie d’ermite ne m’a certainement pas donné l’occasion de vous croiser par le passé.

Alors pourquoi vos minois me sont-ils si familiers ?
Pourquoi appellent-ils tant à la réminiscence ?

Je creuse, je creuse encore dans mes souvenirs, je les effleure, je récapitule, acharnée. Pas pour vous chercher vous, inconnus, mais là, votre doublon, votre sosie, le détail ou la caractéristique qui, invraisemblablement, vous lie à un autre, une connaissance lointaine. Parfois, c’est la façon dont votre sourire s’étire dans vos yeux. D’autres, le rebondi délicieux de vos joues quand vous boudez ou encore le froncement de vos sourcils qui assombri si bien le regard.

Il suffit d’un rien, parfois, pour se sentir chez soi.


« Des visages, des figures
Dévisagent, défigurent
Des figurants à effacer
Des faces A, des faces B

Appâts feutrés
Attrait des formes
Déforment, altèrent
Malentendu entre les tours
Et c'est le fou
Qui était pour... »


 Des visages, des figures — Noir Désir

30 mars 2015

Camp NaNoWriMo, Avril 2015



Bon, le NaNo approche. 
Pour ceux qui l'ignorent, le National Novel Writing Month, c'est un petit événement qui se déroule d'ordinaire en novembre : on a un mois pour écrire 50,000 mots. Un bon moyen de se motiver ! L'exercice est plutôt intense, mais on  en apprend drôlement plus sur ses capacités. 

La session de novembre a été pour moi une véritable catastrophe, parce que je n'étais pas préparée. Cette fois-ci, ma tentative sera un peu mieux planifiée, mais j'ai toujours l'impression que mon scénario est à la ramasse... J'espère que je vais trouver un second souffle en attaquant enfin ce projet ! 

Bref, toujours est-il que j'ai un passage qui traîne sur mon ordinateur depuis un moment (non, non, ce n'est pas de la triche, c'est de la préparation), et je suis très contente d'avoir pu étoffer mon univers de différents types de magie, d'une ambiance technologique un peu plus concrète, d'un système politique au cœur de l'intrigue, et d'une religion à plumes.

Je partage !

★ Le sourire de l'ombre ★

Les talismans s’ébrouèrent d’abord, leurs faibles pulsations frémirent en un tintinnabule timide contre la tête de lit en acajou ouvragé. Les paupières d’Eileen papillonnèrent et le mémno-rêve scintilla brièvement, aspirant le souvenir brumeux de ses songes entre ses plumes soyeuses.
La menace se confirma : les talismans teintèrent de plus belle, leurs perles de verre se parant d’une couleur grise qui brillait dans l’obscurité et Eileen se redressa sur son séant. Un Élu usait de son don pour lui nuire. Elle ouvrit la bouche pour appeler à l’aide, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Elle voulut fuir, quitter le lit, mais son corps tétanisé refusa d’esquisser le moindre mouvement. Seules ses mains demeurèrent crispées sur les draps de soie et un souffle erratique s’échappait de sa bouche. La brûlure familière de ses prunelles alors que son propre pouvoir s’éveillait en présence du danger fit couler des larmes le long de ses joues. Paniquée et impuissante, Eileen adressa une prière muette à Påv-Samarth, le Dieu-Paon gris qui veillait sur sa caste.

L’ombre se dressa devant elle, insensible au pouvoir d’Eileen, et approcha ses mains griffues vers son cou. Une béance joyeuse déchirait la figure grossière du spectre en un sourire sardonique et laissait apparaître des crocs jaunâtres suintants de salive visqueuse.

25 mars 2015

Enelle - Horizon



The Ocean - Dead Can Dance

Son souvenir le plus ancien, c’était celui du sable humide collé contre sa joue. Du sable partout, dans ses cheveux, dans sa bouche, sur son nez, dans son cou, sous ses vêtements en loques. Elle s’appelait Enelle, et la brise mordante de l’hiver qui lui était totalement étrangère, faisait courir sur sa peau un frisson de terreur glaciale. La froide luminosité d’un ciel grisaillant brûlait ses rétines. Elle chercha à se redresser sur ses jambes si frêles ; un vertige s’éprit d’elle brièvement et un sanglot l’étouffa momentanément. Désorientée, elle fut tentée de s’échoir encore, de se recroqueviller et de laisser libre cours à ses sanglots délicieusement salés, à défaut de pouvoir se souvenir.

Jusqu’à ce que cette musique lui emplisse les oreilles. Cette mélodie ancrée en elle. Un chant de souffrance et d’espoir, des milliers de voix qui hurlaient dans sa tête, qui suppliaient, entonnaient leur désespoir avec une ferveur qui lui était si familière et étrangère à la fois. Elle pivota. Son regard se porta vers la mer, immense masse houleuse. Les vagues s’écrasaient derrière elle, caressant l’une après l’autre le sable dans une traînée d’écume.

Et elle sut qu’elle devait s’en détourner. 
Aller vers un autre horizon.

« Enelle vous frappera pas son physique singulier ; sa peau, fine et pâle comme si elle n’avait ni connu la caresse de l’air, ni profité d’un rayon de soleil en est le premier facteur. Oui, cet épiderme vous donnera l’impression d’être étrange : trop lisse, trop fin, surnaturel. Une envie vous prendra, assez obscure à votre propre avis, celle de la toucher. De savoir si cette peau est humaine. Et si ce contact vous est permis, vous y découvrirez une sensation de douceur surfaite, à vous en donner la chair de poule. 
Vous feriez alors probablement un pas en arrière, pour la contempler de la tête aux pieds. Ni grande, ni petite, Enelle est juste normale, peut-être même trop, en comparaison avec sa peau dont le contact vous a électrisé. Elle a une poitrine raisonnable et bien formée, un postérieur dans les normes, des jambes ni trop fines, ni trop larges, un pied à la pointure standard. On devine la courbe de ses épaules sous l’un de ses amples pull-overs fins, douce et mesurée. Ses mains, aux ongles toujours coupés courts, sont plutôt fines ; on les devine agiles et prestes. 
Là, le doute s’immisce en vous. Soit vous avez rêvé l’aspect de sa peau, soit elle est tout droit sortie d’une usine. Votre regard remonte sur son cou, la courbe gracieuse de son menton, ses lèvres, de la même teinte opaline que sa peau, son nez droit. Ses cheveux sont d’un blond cendré, aux boucles mesurées, presque plates dans leur ondulation, tant et si bien qu’on a l’impression qu’ils sont constamment mouillés. Une frange, un peu trop longue, dissimule son regard. 
Curieux, vous penchez la tête pour essayer de percevoir l’éclat de ses prunelles. Alors, vous êtes suffoqués. Elles sont d’un bleu intense, pareil à celui de l’océan. Si vous aviez l’occasion de la recroiser, vous réaliseriez que jamais la teinte est identique, comme changée au gré de ses humeurs et de la météo. Ces iris sont grands, réalisez-vous. Vous doutez-même qu’ils soient pourvus d’une pupille, tant leur teinte vous surprend. Non, non, vous dites-vous, ce n’est pas possible. Ce doit être à cause de sa frange. Oui, voilà de sa frange. 
Vous l’indifférez. Son regard se pose sur vous alors que vous l’observez. Malgré votre réaction, peu lui importe. Elle se détourne, allume une cigarette et reprend son chemin, mains dans les poches de son jeans, d’un pas nonchalant. Sa démarche, aussi ordinaire que sa silhouette, vous pousse à vous interroger une fois de plus sur ce que vous avez vu.  
Vous doutez. Il doit s’agir d’un don. 
Non, d’un maléfice. »


Enelle est l'un de ces personnages que j'ai joué en RP avant de vraiment lui donner vie dans mes projets. Elle est inspirée de la jolie frimousse ci-dessus, dont je ne connais pas l'artiste. Si vous avez cette précieuse information, merci de me l'indiquer, que je puisse créditer !

24 mars 2015

Gagner la guerre - Jean-Philippe Jaworski

Voilà, ça fait quelques semaines que j'ai terminé de lire Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski, et je peine toujours autant à m'en remettre !

On pourrait reprocher à ce livre d’être un pavé indigeste. Franchement, si cette merveille de la langue française vous rebute, vous êtes des petites frappes, les amis ! Non seulement nous avons le droit à une intrigue ficelée et trépidante, mais en plus, le personnage principal, don Benvenuto, est un truand tordant, cynique et mauvais, absolument charmant. Vous l’aurez compris, il s’agit de suivre les aventures d’un anti-héros détestable au faciès ravagé, pour qui tout va de mal en pis. Pour couronner le tout, on se retrouve dans un univers inspiré de la Renaissance italienne, avec une ville enchanteresse et mal famée, des descriptions à couper le souffle, le tout sans même s’écarter du style aussi abrasif qu’élaboré de la plume du protagoniste

D'emblée, les phrases alambiquées, élégantes et vulgaires (joli paradoxe, d'être vulgairement élégant, non ?) nous content en détail les effets du mal de mer. Propos peu ragoûtants et pourtant si bien tournés ! Voilà qui annonce directement la tonalité du récit...

Bref, véritable coup de cœur pour ce chef-d’œuvre, qui a su me charmer sur tous les points : univers élaboré, personnages hauts en couleur, intrigues tortueuses, tout plein de rebondissements et d’action ! Mais surtout, surtout, le style très raffiné, riche en argot joliment tourné.

Après ça, j'ai enchaîné directement sur le premier tome de son dernier roman, Même pas mort, et... Bon, je vais prendre le temps de m'en remettre aussi, avant de vous en parler !

Quatrième de couverture : « Gagner une guerre, c'est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d'orgueil et d'ambition, le coup de grâce infligé à l'ennemi n'est qu'un amuse-gueule. C'est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l'art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c'est au sein de la famille qu'on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c'est plutôt mon rayon... » 
Gagner la guerre est le premier roman de Jean-Philippe Jaworski. On y retrouve avec plaisir l'écriture inimitable de l'auteur des nouvelles de Janua vera et don Benvenuto, personnage aussi truculent que détestable. Le livre a obtenu en 2009 le prix du Premier Roman de la région Rhône-Alpes et le prix Imaginales du meilleur roman français de fantasy.

21 mars 2015

L'ivresse au bord des lèvres


C’est toujours drôle de romancer l’ivresse ; on l’imagine piquante et vertigineuse, elle s’essouffle sur des détails, des fragments de sensation. Elle est bourdonnante et soyeuse, un cocon déluré qui estompe les maux. L’ivresse, c’est joyeux, chaleureux, ça enchante les rires trop lourds qui font vibrer l’atmosphère, c’est des démonstrations suaves d’affection.

Mes personnages ivres deviennent doux et sulfureux, ils se targuent d’un charme léger et rieur, d’une gestuelle plus sensuelle. Ils sont parfois un peu maladroits, mais de façon si adorable, toujours dans ce contexte ouaté et sucré. Ils n’ont pas l’alcool mauvais, ni l’alcool triste, ils ne sont pas ridicules, ils n’embarrassent personne.

Mais soyons francs, ce ne sont que des personnages.

Contrairement à nous, ils ne se prennent pas la tête entre les mains pour affronter la lourde gueule de bois le lendemain, ils tentent rarement de démêler le flou entrelacs des souvenirs si vagues qu’ils auraient pu faire partie d’un songe oublié.

Venons-en, à nous, petits empâtés que nous sommes.

C’est tout de suite moins glamour. On trébuche, on trépigne, on beugle et on agite nos paluches ; les lendemains sont caractérisés par des trous noirs, des traces douteuses, des hématomes à l’origine non-identifiée, des désordres tout le long du système digestif et un mal de crâne de tous les diables. Le corps perclus de bobos, l’esprit tout emmêlé, de l’haleine rance aux fringues suées, autant dire qu’on forme de bien vilains petits spectres. Fini les fanfaronnades, bonjour le doliprane !

Alors, ouais, je préfère romancer l’ivresse, la rendre jolie et élégante, parce que franchement, les souvenirs filandreux qui m’échappent et les conséquences des abus, ça mérite bien de fantasmer un peu des épopées héroïques où l’alcool nous donne des superpouvoirs !

15 janv. 2015

Haze - Le sable sous ses pas

Haze écouta le chuchotis du sable qui crissait sous ses pas.

Le nez en l’air, elle savoura brièvement la caresse du soleil sur sa peau. Elle ne prêta aucune attention aux combattants blessés ou victorieux. Tel un nuage, elle se laissait volontiers porter par les vents, avec tout le flegme dont elle était capable.

— Chef ?

Elle leva la tête vers celui qui l’avait interpellée, les fins cheveux ivoirins coupés courts balayant son front. Elle cligna des paupières, indiquant ainsi à son subordonné de poursuivre.

— Chef, répéta Stratus, je crois que le chef du clan Foudre a décidé d’envoyer le Fléau.

Les sourcils blancs de Keilana Haze se froncèrent, plissant son front d’ordinaire si lisse d’une ride soucieuse. Elle pinça ses lèvres blafardes, visiblement mécontente.

Le Fléau, c’était la bête des Foudre, une femme à peine humaine que leur chef, Dryden, avait dressé à tuer. Drev, l’appelait-on. Et sa folie meurtrière comme sa cruelle démence n’avaient rien à faire dans une arène.

Elle jaugea Stratus, ses forces, ses faiblesses, puis secoua la tête. Enfin, elle s’exprima d’une voix douce et basse, le ton mélodieux :

— Trouve Laetlan, dis-lui que je m’en charge.

Et elle le planta là sans autre forme de procès.

Sous ses pas, le sable ne chuchotait plus, il grondait. 
Elle venait d’abandonner son habituelle légèreté pour s’immerger dans un autre rôle, celui, bien plus imposant, de représentante de son clan. Un tel masque demandait, hélas, un peu plus de brutalité et de conviction que celui de l’insouciante rêveuse : carrer les épaules, alourdir sa démarche, relever le menton, raidir le dos… La métamorphose s’opérait par d’infimes modifications qui, cumulées, la transformaient totalement.

Sans même se soucier des conventions, elle traversa le centre de l’arène sous les murmures médusés de la foule.

Je m'amuse en ce moment à créer de mini-scènes pour roder les personnages de mon prochain projet. Haze est de loin le plus aboutit et le plus fascinant à manipuler.
Par ailleurs, c'est White Angel de Jason Chan qui avait donné naissance au personnage, il y a bien longtemps.