18 avr. 2015

Famine


La faim me tenaillait, insupportable.

Tout mon corps tremblait et, chancelante, je trébuchai, une main crispée sur mon estomac, l’autre sur un genou, comme pour essayer de me redresser. Mes griffes se plantèrent profondément dans la chair mais la douleur ne me fit pas oublier la sensation de famine qui me lacérait les entrailles.

Affamée, je n’avais qu’une envie : crever, crever une bonne fois pour toute pour ne plus souffrir.

Je me laissai glisser le long du mur de briques, je me recroquevillai dans la pénombre de la ruelle. Les lueurs crépusculaires, chatoyantes, se reflétaient sur les parois sans parvenir à réchauffer mon âme. Un feulement poussif assécha ma gorge, et il me tardait que la touffeur de l’été disparût. Au moins, en hiver, les clochards de mon espèce se faisaient plus rares : ils agonisaient sous les ponts et moi, sous ma forme animale, je pouvais me payer les restes. Ma fourrure, si miteuse fût-elle, savait me tenir chaud et les ténèbres quasi-constantes n’incommodaient en rien ma vision féline.

Oui, me tardait l’hiver et son éternelle obscurité. Si je survivais jusque-là.

Et rien n’était moins sûr.

Car l’harassante canicule des jours sans fin desséchait puits et carcasses, calcinait les récoltes, pourrissait les vivres. Les rares pluies, acides, brûlaient la peau et achevaient le bétail.

Car la famine ne me laissait aucun répit, me plongeait dans une somnolence dolente, me vidait de mes forces. Prostrée dans le dédale purulent des quartiers mal famés, je me laissais bercer par l’haleine fétide du désespoir.

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