28 mars 2014

Syrine

Le regard de Sean se glissa sur les courbes enchanteresses de la danseuse, sa peau tannée, son regard de braise ensorcelant sous ses longs cils noirs. Chaque pas de cette ronde voluptueuse s'accompagnait du son délicat du tambourin. Chaque mouvement se joignait de l'ombre lascive des voiles qui dansaient derrière elle sous le joug de la brise. Les lumières tamisées des flammes la grandissaient, harpie impérieuse aux longues boucles d'ébènes. Et en dépit des couleurs chatoyantes, de son incandescente beauté, un souffle froid suintait sur ses lèvres.

Il déglutit.

— Te laisserais-tu ensorceler ? souffla Jude à son oreille, d'une voix indécente.

Sean fronça les sourcils et poussa son amie d'une bourrade agacée, sans détacher une seule fois son regard de la femme-oiseau. La taquinerie franchit ses lèvres passivement :

— Serais-tu jalouse ?

Sur scène, Syrine ondoyait, ses pieds nus remuant la terre, la lueur des braséros étincelant sur le moindre de ses bracelets qui tintaient en rythme, glissaient sur sa peau. En transe, elle virevolta et les tissus légers qui tombaient depuis ses hanches, tourbillonnèrent. Danse brûlante, danse de la terre à la fluidité des rus, elle semblait s'accorder en tous points avec les éléments, avec la nature. Et dans un final aux allures dramatiques, elle se laissa tomber, genoux et mains dans la terre battue, tissus et longues mèches d'ébène jonchées de plumes éparpillées autour d'elle dans une corolle sensuelle.

Tonnerre d'applaudissements.

Encore un extrait pour Entrelacs.
Syrine et sa sœur, Nailah, sont probablement les plus sensuels de tous mes personnages et j'ai bien du travail, encore, pour rendre cela par écrit ! Cette scène est donc davantage un essai dans ce registre qu'autre chose, où j'essaie de retranscrire cette beauté.
 

9 mars 2014

Solitude

Le bruit de la porte qui se refermait sur Damon sembla résonner de longues minutes dans l’esprit d’Eileen. L’appartement, soudain désert et silencieux, ne reflétait plus que sa propre solitude. Immobile, elle laissait ce sentiment vide s’exprimer en elle ; ne pas penser, ne pas s’apitoyer, ne rien prévoir, juste laisser les échos se répercuter dans le néant, juste se laisser aller à cet état second.

Les couleurs de la pièce ternirent, le côté accueillant et chaleureux du petit salon laissant peu à peu place à une grisaille atone. Les photos sur les murs n’étaient plus que de lointains souvenirs, qui dansaient paisiblement, douloureusement dans son esprit.

Le triste constat s’imposa à elle : très vite, elle se sentirait pitoyable. Elle plongerait dans cet abysse de chagrin, se noierait dans sa peine, étoufferait de désespoir. Le manque la consumerait en une lente agonie, la solitude éparpillerait son âme, anéantissant sa confiance en elle. Elle se recroquevilla un peu plus sur le canapé, laissa quelques larmes silencieuses creuser des sillons salés sur ses joues. Là aussi, le changement viendrait très vite ; la peine silencieuse allait peu à peu se muer en sanglots dévastateurs.

Et dans un futur plus lointain, elle surpasserait le stade d’épave. Lentement, elle se remettrait à penser à elle, à continuer à vivre. Lentement, elle remonterait la pente, seule, à la force de sa propre volonté. Car, enfin, elle aurait oublié quels étaient ces magnifiques sentiments.

Seule reste la solitude, quand on a oublié à quoi ressemble le bonheur.