30 mars 2015

Camp NaNoWriMo, Avril 2015



Bon, le NaNo approche. 
Pour ceux qui l'ignorent, le National Novel Writing Month, c'est un petit événement qui se déroule d'ordinaire en novembre : on a un mois pour écrire 50,000 mots. Un bon moyen de se motiver ! L'exercice est plutôt intense, mais on  en apprend drôlement plus sur ses capacités. 

La session de novembre a été pour moi une véritable catastrophe, parce que je n'étais pas préparée. Cette fois-ci, ma tentative sera un peu mieux planifiée, mais j'ai toujours l'impression que mon scénario est à la ramasse... J'espère que je vais trouver un second souffle en attaquant enfin ce projet ! 

Bref, toujours est-il que j'ai un passage qui traîne sur mon ordinateur depuis un moment (non, non, ce n'est pas de la triche, c'est de la préparation), et je suis très contente d'avoir pu étoffer mon univers de différents types de magie, d'une ambiance technologique un peu plus concrète, d'un système politique au cœur de l'intrigue, et d'une religion à plumes.

Je partage !

★ Le sourire de l'ombre ★

Les talismans s’ébrouèrent d’abord, leurs faibles pulsations frémirent en un tintinnabule timide contre la tête de lit en acajou ouvragé. Les paupières d’Eileen papillonnèrent et le mémno-rêve scintilla brièvement, aspirant le souvenir brumeux de ses songes entre ses plumes soyeuses.
La menace se confirma : les talismans teintèrent de plus belle, leurs perles de verre se parant d’une couleur grise qui brillait dans l’obscurité et Eileen se redressa sur son séant. Un Élu usait de son don pour lui nuire. Elle ouvrit la bouche pour appeler à l’aide, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Elle voulut fuir, quitter le lit, mais son corps tétanisé refusa d’esquisser le moindre mouvement. Seules ses mains demeurèrent crispées sur les draps de soie et un souffle erratique s’échappait de sa bouche. La brûlure familière de ses prunelles alors que son propre pouvoir s’éveillait en présence du danger fit couler des larmes le long de ses joues. Paniquée et impuissante, Eileen adressa une prière muette à Påv-Samarth, le Dieu-Paon gris qui veillait sur sa caste.

L’ombre se dressa devant elle, insensible au pouvoir d’Eileen, et approcha ses mains griffues vers son cou. Une béance joyeuse déchirait la figure grossière du spectre en un sourire sardonique et laissait apparaître des crocs jaunâtres suintants de salive visqueuse.

25 mars 2015

Enelle - Horizon



The Ocean - Dead Can Dance

Son souvenir le plus ancien, c’était celui du sable humide collé contre sa joue. Du sable partout, dans ses cheveux, dans sa bouche, sur son nez, dans son cou, sous ses vêtements en loques. Elle s’appelait Enelle, et la brise mordante de l’hiver qui lui était totalement étrangère, faisait courir sur sa peau un frisson de terreur glaciale. La froide luminosité d’un ciel grisaillant brûlait ses rétines. Elle chercha à se redresser sur ses jambes si frêles ; un vertige s’éprit d’elle brièvement et un sanglot l’étouffa momentanément. Désorientée, elle fut tentée de s’échoir encore, de se recroqueviller et de laisser libre cours à ses sanglots délicieusement salés, à défaut de pouvoir se souvenir.

Jusqu’à ce que cette musique lui emplisse les oreilles. Cette mélodie ancrée en elle. Un chant de souffrance et d’espoir, des milliers de voix qui hurlaient dans sa tête, qui suppliaient, entonnaient leur désespoir avec une ferveur qui lui était si familière et étrangère à la fois. Elle pivota. Son regard se porta vers la mer, immense masse houleuse. Les vagues s’écrasaient derrière elle, caressant l’une après l’autre le sable dans une traînée d’écume.

Et elle sut qu’elle devait s’en détourner. 
Aller vers un autre horizon.

« Enelle vous frappera pas son physique singulier ; sa peau, fine et pâle comme si elle n’avait ni connu la caresse de l’air, ni profité d’un rayon de soleil en est le premier facteur. Oui, cet épiderme vous donnera l’impression d’être étrange : trop lisse, trop fin, surnaturel. Une envie vous prendra, assez obscure à votre propre avis, celle de la toucher. De savoir si cette peau est humaine. Et si ce contact vous est permis, vous y découvrirez une sensation de douceur surfaite, à vous en donner la chair de poule. 
Vous feriez alors probablement un pas en arrière, pour la contempler de la tête aux pieds. Ni grande, ni petite, Enelle est juste normale, peut-être même trop, en comparaison avec sa peau dont le contact vous a électrisé. Elle a une poitrine raisonnable et bien formée, un postérieur dans les normes, des jambes ni trop fines, ni trop larges, un pied à la pointure standard. On devine la courbe de ses épaules sous l’un de ses amples pull-overs fins, douce et mesurée. Ses mains, aux ongles toujours coupés courts, sont plutôt fines ; on les devine agiles et prestes. 
Là, le doute s’immisce en vous. Soit vous avez rêvé l’aspect de sa peau, soit elle est tout droit sortie d’une usine. Votre regard remonte sur son cou, la courbe gracieuse de son menton, ses lèvres, de la même teinte opaline que sa peau, son nez droit. Ses cheveux sont d’un blond cendré, aux boucles mesurées, presque plates dans leur ondulation, tant et si bien qu’on a l’impression qu’ils sont constamment mouillés. Une frange, un peu trop longue, dissimule son regard. 
Curieux, vous penchez la tête pour essayer de percevoir l’éclat de ses prunelles. Alors, vous êtes suffoqués. Elles sont d’un bleu intense, pareil à celui de l’océan. Si vous aviez l’occasion de la recroiser, vous réaliseriez que jamais la teinte est identique, comme changée au gré de ses humeurs et de la météo. Ces iris sont grands, réalisez-vous. Vous doutez-même qu’ils soient pourvus d’une pupille, tant leur teinte vous surprend. Non, non, vous dites-vous, ce n’est pas possible. Ce doit être à cause de sa frange. Oui, voilà de sa frange. 
Vous l’indifférez. Son regard se pose sur vous alors que vous l’observez. Malgré votre réaction, peu lui importe. Elle se détourne, allume une cigarette et reprend son chemin, mains dans les poches de son jeans, d’un pas nonchalant. Sa démarche, aussi ordinaire que sa silhouette, vous pousse à vous interroger une fois de plus sur ce que vous avez vu.  
Vous doutez. Il doit s’agir d’un don. 
Non, d’un maléfice. »


Enelle est l'un de ces personnages que j'ai joué en RP avant de vraiment lui donner vie dans mes projets. Elle est inspirée de la jolie frimousse ci-dessus, dont je ne connais pas l'artiste. Si vous avez cette précieuse information, merci de me l'indiquer, que je puisse créditer !

24 mars 2015

Gagner la guerre - Jean-Philippe Jaworski

Voilà, ça fait quelques semaines que j'ai terminé de lire Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski, et je peine toujours autant à m'en remettre !

On pourrait reprocher à ce livre d’être un pavé indigeste. Franchement, si cette merveille de la langue française vous rebute, vous êtes des petites frappes, les amis ! Non seulement nous avons le droit à une intrigue ficelée et trépidante, mais en plus, le personnage principal, don Benvenuto, est un truand tordant, cynique et mauvais, absolument charmant. Vous l’aurez compris, il s’agit de suivre les aventures d’un anti-héros détestable au faciès ravagé, pour qui tout va de mal en pis. Pour couronner le tout, on se retrouve dans un univers inspiré de la Renaissance italienne, avec une ville enchanteresse et mal famée, des descriptions à couper le souffle, le tout sans même s’écarter du style aussi abrasif qu’élaboré de la plume du protagoniste

D'emblée, les phrases alambiquées, élégantes et vulgaires (joli paradoxe, d'être vulgairement élégant, non ?) nous content en détail les effets du mal de mer. Propos peu ragoûtants et pourtant si bien tournés ! Voilà qui annonce directement la tonalité du récit...

Bref, véritable coup de cœur pour ce chef-d’œuvre, qui a su me charmer sur tous les points : univers élaboré, personnages hauts en couleur, intrigues tortueuses, tout plein de rebondissements et d’action ! Mais surtout, surtout, le style très raffiné, riche en argot joliment tourné.

Après ça, j'ai enchaîné directement sur le premier tome de son dernier roman, Même pas mort, et... Bon, je vais prendre le temps de m'en remettre aussi, avant de vous en parler !

Quatrième de couverture : « Gagner une guerre, c'est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d'orgueil et d'ambition, le coup de grâce infligé à l'ennemi n'est qu'un amuse-gueule. C'est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l'art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c'est au sein de la famille qu'on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c'est plutôt mon rayon... » 
Gagner la guerre est le premier roman de Jean-Philippe Jaworski. On y retrouve avec plaisir l'écriture inimitable de l'auteur des nouvelles de Janua vera et don Benvenuto, personnage aussi truculent que détestable. Le livre a obtenu en 2009 le prix du Premier Roman de la région Rhône-Alpes et le prix Imaginales du meilleur roman français de fantasy.

21 mars 2015

L'ivresse au bord des lèvres


C’est toujours drôle de romancer l’ivresse ; on l’imagine piquante et vertigineuse, elle s’essouffle sur des détails, des fragments de sensation. Elle est bourdonnante et soyeuse, un cocon déluré qui estompe les maux. L’ivresse, c’est joyeux, chaleureux, ça enchante les rires trop lourds qui font vibrer l’atmosphère, c’est des démonstrations suaves d’affection.

Mes personnages ivres deviennent doux et sulfureux, ils se targuent d’un charme léger et rieur, d’une gestuelle plus sensuelle. Ils sont parfois un peu maladroits, mais de façon si adorable, toujours dans ce contexte ouaté et sucré. Ils n’ont pas l’alcool mauvais, ni l’alcool triste, ils ne sont pas ridicules, ils n’embarrassent personne.

Mais soyons francs, ce ne sont que des personnages.

Contrairement à nous, ils ne se prennent pas la tête entre les mains pour affronter la lourde gueule de bois le lendemain, ils tentent rarement de démêler le flou entrelacs des souvenirs si vagues qu’ils auraient pu faire partie d’un songe oublié.

Venons-en, à nous, petits empâtés que nous sommes.

C’est tout de suite moins glamour. On trébuche, on trépigne, on beugle et on agite nos paluches ; les lendemains sont caractérisés par des trous noirs, des traces douteuses, des hématomes à l’origine non-identifiée, des désordres tout le long du système digestif et un mal de crâne de tous les diables. Le corps perclus de bobos, l’esprit tout emmêlé, de l’haleine rance aux fringues suées, autant dire qu’on forme de bien vilains petits spectres. Fini les fanfaronnades, bonjour le doliprane !

Alors, ouais, je préfère romancer l’ivresse, la rendre jolie et élégante, parce que franchement, les souvenirs filandreux qui m’échappent et les conséquences des abus, ça mérite bien de fantasmer un peu des épopées héroïques où l’alcool nous donne des superpouvoirs !