C’est toujours drôle de romancer
l’ivresse ; on l’imagine piquante et vertigineuse, elle s’essouffle sur
des détails, des fragments de sensation. Elle est bourdonnante et soyeuse, un
cocon déluré qui estompe les maux. L’ivresse, c’est joyeux, chaleureux, ça
enchante les rires trop lourds qui font vibrer l’atmosphère, c’est des démonstrations
suaves d’affection.
Mes personnages ivres
deviennent doux et sulfureux, ils se targuent d’un charme léger et rieur, d’une
gestuelle plus sensuelle. Ils sont parfois un peu maladroits, mais de façon si
adorable, toujours dans ce contexte ouaté et sucré. Ils n’ont pas l’alcool
mauvais, ni l’alcool triste, ils ne sont pas ridicules, ils n’embarrassent personne.
Mais soyons francs, ce ne sont
que des personnages.
Contrairement à nous, ils
ne se prennent pas la tête entre les mains pour affronter la lourde gueule de
bois le lendemain, ils tentent rarement de démêler le flou entrelacs des
souvenirs si vagues qu’ils auraient pu faire partie d’un songe oublié.
Venons-en, à nous, petits
empâtés que nous sommes.
C’est tout de suite moins
glamour. On trébuche, on trépigne, on beugle et on agite nos paluches ;
les lendemains sont caractérisés par des trous noirs, des traces douteuses, des
hématomes à l’origine non-identifiée, des désordres tout le long du système
digestif et un mal de crâne de tous les diables. Le corps perclus de bobos,
l’esprit tout emmêlé, de l’haleine rance aux fringues suées, autant dire qu’on
forme de bien vilains petits spectres. Fini les fanfaronnades, bonjour le
doliprane !
Alors, ouais, je préfère
romancer l’ivresse, la rendre jolie et élégante, parce que franchement, les
souvenirs filandreux qui m’échappent et les conséquences des abus, ça mérite
bien de fantasmer un peu des épopées héroïques où l’alcool nous donne des
superpouvoirs !
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