21 mars 2015

L'ivresse au bord des lèvres


C’est toujours drôle de romancer l’ivresse ; on l’imagine piquante et vertigineuse, elle s’essouffle sur des détails, des fragments de sensation. Elle est bourdonnante et soyeuse, un cocon déluré qui estompe les maux. L’ivresse, c’est joyeux, chaleureux, ça enchante les rires trop lourds qui font vibrer l’atmosphère, c’est des démonstrations suaves d’affection.

Mes personnages ivres deviennent doux et sulfureux, ils se targuent d’un charme léger et rieur, d’une gestuelle plus sensuelle. Ils sont parfois un peu maladroits, mais de façon si adorable, toujours dans ce contexte ouaté et sucré. Ils n’ont pas l’alcool mauvais, ni l’alcool triste, ils ne sont pas ridicules, ils n’embarrassent personne.

Mais soyons francs, ce ne sont que des personnages.

Contrairement à nous, ils ne se prennent pas la tête entre les mains pour affronter la lourde gueule de bois le lendemain, ils tentent rarement de démêler le flou entrelacs des souvenirs si vagues qu’ils auraient pu faire partie d’un songe oublié.

Venons-en, à nous, petits empâtés que nous sommes.

C’est tout de suite moins glamour. On trébuche, on trépigne, on beugle et on agite nos paluches ; les lendemains sont caractérisés par des trous noirs, des traces douteuses, des hématomes à l’origine non-identifiée, des désordres tout le long du système digestif et un mal de crâne de tous les diables. Le corps perclus de bobos, l’esprit tout emmêlé, de l’haleine rance aux fringues suées, autant dire qu’on forme de bien vilains petits spectres. Fini les fanfaronnades, bonjour le doliprane !

Alors, ouais, je préfère romancer l’ivresse, la rendre jolie et élégante, parce que franchement, les souvenirs filandreux qui m’échappent et les conséquences des abus, ça mérite bien de fantasmer un peu des épopées héroïques où l’alcool nous donne des superpouvoirs !

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